En quelques années, le club Rahal de Casablanca est devenu un véritable vivier de talents pour le football marocain. Derrière cette success story, Abdelouahed Rahal, un homme dévoué au foot, mais aussi une philosophie de travail unique en son genre. Reportage.
- Maroc Hebdo
“Salam Lhaj, que dieu vous préserve!”. “Lhaj, quand est-ce que je peux venir inscrire mon fils?” Nous sommes à l’entrée du club Rahal de football, sis Rue des Anglais, ou “derb Langliz” pour les riverains, à quelques encablures de la médina de Casablanca. Tous les regards sont rivés sur l’haj, ce sexagénaire dont le look simple et l’attitude imprégnée de modeste ne laisse pas pourtant présager qu’il s’agit de Abdelouahed Rahal, membre de la richissime fratrie Rahal.
Toutefois, ce n’est pas pour parler affaires que “lhaj” nous accueille, en cet après-midi glacial de décembre 2023, mais pour parler de sa passion, le football, en tant que fondateur et président du club Rahal. Bienvenue dans le club”, nous lance-t-il, tout sourire, tout en nous serrant la main chaleureusement, avant de nous conduire tout au long de l’allée qui mène vers les bureaux et la porte du terrain de football, où des dizaines d’enfants de six ans et plus, répartis en petits groupes de 8, s’entraînent sous les regards attentifs des encadrants.
Mais avec de devenir “lhaj”, Abdelouahed Rahal était comme ces petits qui tapent sur le ballon. Il fait ses premiers pas footballistiques dès l’enfance sur les terres battues de quartiers populaires de Casablanca, avant de rejoindre, à l’âge de 14 ans, les cadets du Wydad de Casablanca pour finir, à la fin des années 1970, sur le même terrain d’entraînement avec des légendes du WAC et du football marocain, comme Badou Zaki, Aziz Bouderbala ou encore Larbi Ahardane pour ne citer qu ceuxlà. Cette carrière prometteuse prend brutalement et prématurément fin, lorsqu’en 1980, le jeune Abdelouahed se blesse grièvement à l’épaule. Depuis, il décide de vivre sa passion du ballon rond d’une autre manière en se fixant une nouvelle mission: dénicher et former les futurs talents du football national. Plus de quarante ans plus tard, la reconversion est plus que réussie: “Lhaj” préside aujourd’hui une véritable success story marocaine en matière de formation footballistique qui rivalise, voire dépasse, les centres de formation des plus grands clubs marocains.
C’est ici qu’ont été formés, entre autres, Achraf Dari (24 ans), actuel défenseur de Brest en Ligue 1 passé par le Wydad et surtout titulaire face à la France en demi-finale de la Coupe du monde Qatar-2022 puis buteur lors de la petite finale de la même compétition face à la Croatie, ainsi qu’Oussama Targhalline (21 ans), actuel milieu de terrain du Havre en Ligue 1 également, qui a inscrit, le 9 juillet 2023, le but de la victoire pour le Maroc face à l’Égypte en finale de la Coupe d’Afrique des nations U23. “C’est un sentiment indescriptible de voir un enfant grandir et développer son talent devant mes yeux, puis le voir quelques années plus tard évoluer au plus haut niveau qu’on puisse atteindre dans le foot”, nous confie Abdelouahed Rahal, entouré d’une douzaines d’enfants qui ont suspendu leur entraînement le temps de venir saluer celui qu’ils considèrent comme un deuxième père.
Nouvelle mission
Largement médiatisés, les modèles Dari et Targhalline, pour ne citer que ces deux, ne passent désormais plus inaperçus. Depuis l’épopée des Lions de l’Atlas sur les terres Qatari, l’affluence des parents pour inscrire leurs enfants au club a explosé, d’autant plus que le club n’impose pas de frais d’inscription. Parmi ces parents, nous avons croisé Faouzi Abdelghani, champion du Maroc en 2006 et 2010 avec le Wydad, venu s’installer aux côtés d’autres parents sur les gradins de la tribune couverte du petit stade, afin de suivre de près ses deux enfants âgés de 10 et 14 ans qu’il a inscrits au sein du club.
“Les encadrants ici sont excellents. Je les connais très bien vu que je les ai côtoyés et affrontés en tant que joueur. Les deux petits sont entre de bonnes mains”, nous souffle l’ancien joueur de 38 ans. À cet égard, le club a imposé à tous ses encadrants de passer la certification A. “C’est même mieux que le championnat national où certains entraîneurs n’ont pas ce diplôme”, nous lance un des membres du staff.
Compétitions officielles
Actuellement, plus de 1000 enfants sont inscrits au club Rahal, répartis en deux sections. La première, celle de l’école, est accessible à tous dès l’âge de six ans, et compte 600 enfants qui pratiquent leur passion du foot sans nécessairement participer à des tournois à enjeu. La seconde section a été instaurée quant à elle en 2014 avec la création des premières équipes compétitives qui participent à des compétitions officielles aussi bien nationales que régionales, actant ainsi la transformation de l’académie en un club à part entière.
“Tout a commencé lorsque j’ai inscrit nos U11 et U13 à la Ligue du Grand Casablanca. Ils ont brillé en interligue, et depuis nous avons développé les choses en créant des équipes U19, U18, U17, U16, U15 qui sont toutes en lice dans les championnats interligues, ainsi qu’une équipe sénior évoluant en amateur”, nous explique Hicham Rok, directeur technique du club, installé dans l’un des bureaux du club où des dizaines de trophées nationaux et internationaux sont fièrement exposés devant tout visiteur, témoins du succès incroyable du club. En plus des tournois de différentes catégories d’âge remportés au Maroc et à même l’étranger face à des poids lourds européens, Hicham Rok insiste sur le rôle du club en tant que riche vivier de talents pour les sélections et les clubs nationaux. “Le Wydad compte 20 joueurs issus de notre club tous âges confondus. Le Raja, l’As FAR, Berkane en ont recruté presque autant”, poursuit-il tout en insistant sur les méthodes spéciales du club. “Tout d’abord, nous insistons sur l’importance des études et de l’éducation pour les enfants qui rejoignent car notre objectif est de les préparer pour devenir des bons citoyens, puis des bons joueurs si tout se passe bien”.
Supervision des jeunes
Dans ce sens, le club exige parfois aux élèves d’obtenir une note minimale de 6 sur 10. Quant à ceux qui rencontrent des difficultés à l’école, ils profitent de séances de soutien improvisées sur place sous la supervision des jeunes adultes qui fréquentent le club. “C’est un club social et humain avant tout pour accompagner ces enfants qui sont en majorité issus de milieux défavorisés. Je veux que ce club soit une sadaqa jariya (acte de charité durable, ndlr) à la mémoire de mes défunts parents. C’est pour ça que j’insiste toujours pour que l’accès soit gratuit”, nous affirme Abdelouahed Rahal.
Une ambition qui sera amenée à se développer davantage, puisque le club Rahal prévoit d’inaugurer, dans les trois mois à venir, un centre de catégorie C où les enfants pourront passer la journée à s’entraîner et à étudier puis rentrer chez eux le soir. Situé tout près de la mosquée Hassan II, l’établissement comprend une pelouse 120×68 mètres soit les mêmes dimensions qu’un terrain de foot professionnel ou quatre fois plus que l’actuel terrain du club. À cela s’ajoute un terrain moyen 60×40 mètres et trois autres de petite taille, ainsi qu’une cantine.